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Portrait Yann Chamaillard

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[INTERVIEW]
Le portrait « pile et face » de Yann CHAMAILLARD, Directeur de l’Insa Centre – Val de Loire

Yann CHAMAILLARD est directeur de l’Insa Centre – Val de Loire, l’école publique d’ingĂ©nieurs, de paysagistes et de docteurs des campus de Blois et de Bourges. Il s’est prĂȘtĂ© au jeu du portrait « pile et face » avec une demande : commencer l’interview par le cĂŽtĂ© « perso ». Alors voici son « face et pile » 
CÎté face, cÎté perso

« Je suis d’origine bretonne. C’est important en fait. Je viens d’un milieu rural, un milieu ouvrier et je suis trĂšs attachĂ© Ă  des valeurs familiales. J’ai grandi dans cet espace culturel breton, que je trouve trĂšs ouvert, tournĂ© vers l’humain, et trĂšs respectueux envers les uns et les autres. Enfant, j’ai beaucoup circulĂ© Ă  vĂ©lo avec mon grand-pĂšre. Il Ă©tait clerc de notaire et rendait visite et service aux gens en difficultĂ©. J’ai grandi dans cette relation aux autres, qui m’a construit.

« J’étais issu d’un milieu n’ayant pas pu faire d’études »

Mes Ă©tudes ont Ă©tĂ© difficiles au collĂšge, entre autres du fait du dĂ©cĂšs de mon grand-pĂšre. J’ai rebondi en lycĂ©e privĂ© oĂč j’ai Ă©tĂ© cadrĂ© et amenĂ© Ă  comprendre le travail et l’intĂ©rĂȘt de travailler. J’ai continuĂ© mon parcours avec un bac technologique, j’ai intĂ©grĂ© un IUT et, aprĂšs, j’ai fait une maĂźtrise, puis un doctorat. Ce parcours est pour moi la marque d’une capacitĂ© de l’éducation nationale, et du service public, de pouvoir accompagner et jouer son rĂŽle d’ascenseur social. Je suis reconnaissant envers l’Etat et la nation de m’avoir permis d’évoluer. J’étais issu d’un milieu n’ayant pas pu faire d’études et sans modĂšle de gens ayant fait de grandes Ă©tudes. Ce parcours fait sens par rapport Ă  ma mission et Ă  mon poste aujourd’hui.
Ça m’a amenĂ© Ă  bouger. Les alĂ©as de mes rĂ©sultats m’ont amenĂ© en Anjou, en Poitou, en Alsace pour venir ensuite en RĂ©gion Centre. C’est aussi quelque chose qui m’a personnellement enrichi. D’aller dans diffĂ©rentes rĂ©gions et de rencontrer d’autres cultures, trĂšs portĂ©es, trĂšs « identitaires » dans le bon sens du terme. J’ai encore des amis partout oĂč je suis passĂ© et c’est important pour moi, cette relation aux valeurs, aux autres, de respect.

« Faire des choix qui laissent un espace préservé pour ma famille »

ArrivĂ© dans la rĂ©gion, Ă  OrlĂ©ans, j’avais un tel attachement Ă  la culture bretonne que j’ai rejoint une association. Au bout de quelques annĂ©es, j’en suis devenu prĂ©sident. Nous avons fait de belles choses, avec de beaux succĂšs de dĂ©veloppement : danse, musique et langue bretonne, c’est un peu de la Bretagne Ă  l’extĂ©rieur de la Bretagne. Et pas la peine d’ĂȘtre du cru pour en ĂȘtre. J’ai une image de la danse bretonne, en cercle, oĂč tout le monde peut danser et oĂč toutes les gĂ©nĂ©rations se retrouvent. C’est trĂšs inclusif. Il n’y a aucune discrimination, juste l’envie de partager, sans regard et sans jugement.
Aujourd’hui, je ne peux pas tout faire : ma vie de famille et mon activitĂ© professionnelle sont mes prioritĂ©s. Le cocon familial est extrĂȘmement important pour moi. Je me suis toujours attachĂ© dans mon activitĂ© associative ou professionnelle, Ă  faire des choix qui laissent un espace prĂ©servĂ© pour ma famille. Je suis prĂȘt Ă  ne pas prendre certains engagements, dĂšs lors que cela va trop empiĂ©ter sur ma vie personnelle.

CÎté pile, cÎté pro

Mon parcours pro a commencĂ© par un doctorat Ă  Mulhouse oĂč j’étais en thĂšse « CIFRE » (Ndlr : Conventions industrielles de formation par la recherche). C’est-Ă -dire que je partageais mon temps entre l’entreprise et le laboratoire de recherche.

« J’ai goĂ»tĂ© Ă  l’industrie en rĂ©gion parisienne »

Une fois diplĂŽmĂ©, je suis arrivĂ© dans une Ă©poque oĂč le marchĂ© de l’emploi n’était pas florissant et les postes d’enseignant-chercheur n’étaient pas trĂšs nombreux. J’ai donc fait mon service national, puis une annĂ©e en tant qu’attachĂ© temporaire d’enseignement et recherche. J’ai goĂ»tĂ© ensuite Ă  l’industrie en rĂ©gion parisienne. Pas longtemps, car cette vie et les conditions quotidiennes n’étaient pas pour moi.
J’ai eu l’opportunitĂ© d’un poste de maĂźtre de confĂ©rences Ă  l’universitĂ© d’OrlĂ©ans. J’y suis arrivĂ© mariĂ©, mais sans enfant. J’en suis parti 25 ans aprĂšs, toujours mariĂ© et avec 5 enfants ! Ma famille s’est construite pendant cette pĂ©riode et ma progression professionnelle s’est faite en respect du volet familial.
J’ai eu une progression de carriĂšre pas Ă  pas, avec une prise de responsabilitĂ© croissante. Quelque part, l’expĂ©rience de la prĂ©sidence d‘une association m’a servi. GĂ©rer une asso, c’est gĂ©rer de l’argent, accompagner des femmes et des hommes
 J’avais, en quelque sorte, dĂ©jĂ  fait mes premiĂšres armes. Ce qui m’a toujours guidĂ©, c’est cette volontĂ© de servir au mieux la mission de service public, l’enseignement supĂ©rieur dans l’intĂ©rĂȘt des Ă©tudiants, des formations et des structures de recherche et de pilotage.

« Je suis tout d’abord trĂšs observateur. Ce qui m’importe, c’est d’amĂ©liorer les choses »

Dans mes prises de responsabilitĂ©, je suis tout d’abord trĂšs observateur. Ce qui m’importe, c’est d’amĂ©liorer les choses, une globalitĂ© de fonctionnement ou de situation et ça n’arrive pas comme ça. Ça dĂ©bute toujours par une observation, un rapport d’étonnement pour faire le choix d’y aller ou pas. D’autres engagements se sont prĂ©sentĂ©s Ă  moi, sur lesquels je ne me suis pas portĂ©. J’estimais ne pas en avoir le goĂ»t ou les compĂ©tences.
J’ai toujours conjuguĂ© l’aspect recherche, enseignement et responsabilitĂ©. Ça m’a permis de dĂ©velopper et de monter une Ă©quipe en laboratoire, tout en ayant des responsabilitĂ©s plus consĂ©quentes sur le pilotage de formations ou de structures.
Ce n’était pas le hasard tous ces postes. Être maĂźtre de confĂ©rences, professeur des universitĂ©s dans un IUT
 Cela fait sens aujourd’hui d’ĂȘtre tournĂ© sur cette connexion entre les besoins des entreprises et les compĂ©tences qu’il faut donner aux jeunes pour qu’ils puissent s’insĂ©rer professionnellement. C’est ce qui me motive.

« C’est une trĂšs belle Ă©cole, avec une trĂšs belle identitĂ© »

Avec l’IUT, j’avais dĂ©veloppĂ© une capacitĂ© Ă  gĂ©rer et Ă  accompagner une structure et j’étais dans mon 2e mandat quand est apparue la publication de la vacance du poste de directeur de l’INSA Centre Val de Loire. L’INSA CVL est un Ă©tablissement autonome, Ă  taille humaine : c’était atteindre un poste avec plus de libertĂ© d’action tout en Ă©tant en RĂ©gion centre, donc compatible avec ma vie de famille.
Qui plus est, au sein du groupe INSA qui est aujourd’hui le 1er groupe d’école d’ingĂ©nieurs en France qui montre une qualitĂ© et une forme d’exigence de ce qu’on dĂ©ploie en termes de missions en formation et en recherche.
C’est une trĂšs belle Ă©cole, avec une trĂšs belle identitĂ© et le groupe INSA, par ses gĂšnes, a aussi beaucoup de valeurs qui rejoignent les miennes. Les crĂ©ateurs voulaient rendre accessible la formation d’ingĂ©nieur Ă  toute personne qui en a les compĂ©tences et les prĂ©requis, et pas seulement rĂ©servĂ© Ă  une Ă©lite. Bien au contraire ! Et ça moi, ça rĂ©sonne complĂ©tement avec mon parcours. Ce poste de directeur est une progression de carriĂšre, conforme Ă  moi-mĂȘme.

« Je ne travaille pas seul. J’ai toujours assumĂ© ces responsabilitĂ©s, mais toujours Ă  plusieurs »

Nous avons une France, une nation et un territoire qui se dĂ©veloppent en pleine rĂ©industrialisation. Il y a des entreprises qui relocalisent et grandissent avec un fort besoin de compĂ©tences. Être en phase avec ce milieu et cet objectif
 J’ai l’impression d’ĂȘtre utile, de faire quelque chose qui va contribuer au rayonnement du territoire et Ă  l’insertion des jeunes. J’ai de quoi me rĂ©jouir de cette mission noble que nous portons. Dans le cadre d’une Ă©cole publique et d’un service public d’autant plus. Quand on prend un peu de recul sur le quotidien parfois complexe, ĂȘtre une piĂšce du puzzle dans cet Ă©cosystĂšme mĂ©rite respect et considĂ©ration.
Sur la situation de travail, c’est aussi important : je ne travaille pas seul. J’ai toujours assumĂ© mes responsabilitĂ©s, mais toujours en m’entourant. Ok, il n’y a qu’un directeur, mais j’ai besoin d’une Ă©quipe. Ce n’est pas un manque de confiance, c’est pour ne pas se tromper. Ensemble, on identifie mieux les problĂ©matiques, on pĂšse mieux le pour et le contre et je considĂšre que nous sommes plus Ă  mĂȘme de prendre les bonnes orientations.
J’ai eu des mentors professionnels aussi. À un certain moment, je ne me serais pas engagĂ© ou projetĂ© sans qu’ils ne me donnent des clĂ©s.

Je ne mĂ©lange pas le professionnel et le personnel, mais il y a une mĂȘme identitĂ©. Je ne joue pas un rĂŽle au travail, je suis moi-mĂȘme. J’adhĂšre Ă  cette mission, nourrissante et motivante. ».

Avec l’expĂ©rience, que diriez-vous aujourd’hui au jeune professionnel que vous Ă©tiez ?

N’aie pas de regret concernant ce que tu as ratĂ©. Tu vas apprendre de tes erreurs. Fais preuve de patience
 et peut-ĂȘtre de moins de fougue.

Avec le recul, que diriez-vous Ă  l’enfant que vous Ă©tiez ?

Joue, amuse-toi, profite et ne grandis pas trop vite

 

Article de Jennifer Roumet d’ArtĂ©crire pour Hub Tech Centre Val de Loire